On avait fini par croire qu’ils avaient disparu. A présent, on les entend chanter : l’hypolaïs polyglotte, le gobemouche gris, le faucon crécerelle la mésange charbonnière, le pouillot véloce, le rouge-gorge, le cochevis huppé et même le moineau qui a plus de mal à se faire entendre. C’est un concert de vocalises, de roucoulements, de piaillements, de gazouillis, de babillages qui nous surprennent quand, fenêtres ouvertes du logement où nous sommes confinés, nous nous apercevons que les oiseaux sont revenus dans la nature, depuis que nous n’y sommes plus….
Ils avaient fini par croire qu’elles avaient disparu. A présent, ils les reniflent à nouveau, intrigués. Les plus jeunes les découvrent, surexcités. Odeurs d’herbes à la rosée du matin, de terres remuées en fin d’hiver en attendant le retour du printemps. Odeurs envoyées à la volée par le vent qui souffle fort, ce matin. Odeurs de tout, odeurs de rien - odeurs de quoi ? Les promenades de nos chiens n’en finissent pas. Les odeurs sont revenues, depuis que les voitures ont disparu, depuis qu’il nous faut un papier pour sortir…
On avait fini par croire qu’on ne la reverrait plus. A présent que les paquebots sont à l’arrêt, que les gondoles, les vaporetti, les traghetti, les motorscafi ne l’agitent plus, elle est redevenue calme et limpide, l’eau de la lagune. On y voit des poissons : anguilles, mulets, daurades revenus de la mer, en éclaireurs ; les anges, les carrelets, les Gobi et les crevettes. On peut toucher son fond des yeux quand, depuis tant d’années, c’était l’eau qui montait et nos souvenirs qui s’y noyaient. Venise est redevenue Venise, depuis que nous n’y venons plus…
Elle avait fini par croire qu’elle en mourrait. A présent, elle se reprend à espérer : vue du ciel, elle retrouve ses paysages. Les nuages de pollution ont disparu, comme si un mauvais rêve avait pris fin. Elle peut à nouveau poser pour les caméras des satellites, sans se voiler. Les vents ne portent plus la mort. Et la voilà qui se prend à rêver : plus de plastique dans la mer, plus de chimie dans l’eau de source. Et pourquoi pas plus de fonte de glaces, en hiver ? La Terre retrouve ses couleurs, depuis que nous la laissons revivre…
Bientôt fini les climato-sceptiques qui doutent de l’influence de l’activité humaine dans le dérèglement climatique ? Bientôt finies les hypocrites promesses d'Etats au chevet de leur victime préférée ? Bientôt fini l'opportuniste "finance responsable" de ceux qui font croire, sans y croire ? Quel dommage qu’il ait fallu le coronavirus pour que l’homme comprennent sa fragilité et sa folie.
Mais les a-t-il bien compris ?
Patrick Herter
22 mars 2020